Agir pour une école démocratique et citoyenne

Agir pour une école plus inclusive et plus démocratique, tisser du lien entre les jeunes et les adultes, reconnaître à chacun sa place dans un projet social commun.

 

Dans la soirée du vendredi 13 novembre, à Paris et à Saint-Denis, des attentats meurtriers, d’une violence rare, ont endeuillé la France et suscité une vive émotion au-delà de nos frontières.

Nos pensées s’adressent d’abord aux victimes et à leurs proches.

Nous sommes horrifiés face à ces actes criminels, dévastés face à une telle violence. Cette violence n’était pourtant pas aveugle. Elle a frappé une jeunesse éveillée, festive, plurielle, une jeunesse qui, loin du visage insouciant auquel on veut parfois la réduire, sait se montrer engagée, solidaire et lucide. Cette jeunesse, il est urgent d’en prendre soin et d’avoir confiance en elle.

Les enseignants et éducateurs que nous sommes ne peuvent pas rester muets face à ce nouvel acte de terreur, quelques mois seulement après les attentats de janvier. Tous les professionnels de l’éducation, d’une manière ou d’une autre, ont dû faire face à l’état de choc et à la sidération, encore palpables aujourd’hui dans les classes et dans les familles. Chacun a pu trouver les mots, les gestes, les démarches pour penser et faire penser, comme il le pouvait, comme il le souhaitait.

Beaucoup d’actions ont déjà contribué, dans l’Éducation nationale, et depuis un certain temps déjà, à faire en sorte que l’école évolue, pour qu’elle se rapproche un peu plus de ce qu’elle devrait être et qu’elle n’est pas assez : un lieu où les apprentissages ont du sens ; un lieu où chacun peut trouver sa place dans un projet commun ; un lieu pour élever et s’élever, parler et se parler, écouter et s’écouter. Ce processus de changement doit se poursuivre, au sein de l’école et en lien avec ses partenaires, en y associant tous les acteurs, en tissant du lien entre les générations, entre les jeunes et les adultes, entre toutes les catégories de personnels, entre les enseignants et les parents, et en prenant en compte particulièrement ceux qui n’y réussissent pas, sont exclus ou « décrochés » du système.

Face aux fanatismes et aux extrémismes, le combat doit être politique autant que philosophique. Mais les idées doivent se traduire en actes sur le terrain. L’école ne peut pas tout, mais ce n’est pas parce qu’elle ne peut pas tout qu’elle ne peut rien. Et dans le périmètre qui est le sien, elle ne peut pas non plus agir seule. Un constat demeure : trop d’enfants sont malheureux à l’école, trop de jeunes sont exclus du système. De nombreux rapports et enquêtes en ont fait la démonstration. Les signaux d’alerte existent depuis longtemps.

Pour y répondre, une politique d’innovation a été impulsée. En tant que Fédération des établissements scolaires publics innovants, nous la soutenons et l’accompagnons. Mais il est nécessaire d’aller plus loin, en développant l’innovation au-delà du seul champ de l’éducation prioritaire et de la lutte contre le décrochage scolaire. Une politique volontariste de l’innovation nationale ne peut trouver son sens que dans les fins qu’elle se donne, sans quoi elle est condamnée à une logique de « dispositifs » et d’« outils », en oubliant pour quoi et pour qui cela prend sens. Et surtout, une telle politique ne peut trouver sa légitimité qu’en ayant une visée réellement démocratique. L’innovation doit être au service de tous.

Nous ne pouvons pas nous résoudre à ce que la devise républicaine, une fois que nous avons franchi la porte des écoles où elle est inscrite, ne soit qu’une juxtaposition de mots vides. Liberté, égalité et fraternité ne seront pas des mots vides si nous les mettons en pratique dans nos classes, si nous les faisons vivre dans l’école. Pour y parvenir, de nombreuses solutions existent. De nombreux exemples en témoignent sur le terrain, dont divers acteurs se sont fait l’écho, relayés également par la recherche et les mouvements de l’Éducation nouvelle.

Plus globalement, chacun, là où il est, peut agir pour tisser du lien et faire société contre toutes les formes d’exclusion, de discrimination et de division. Il ne s’agit pas, pour autant, de rêver d’une société fusionnelle où les différences seraient annihilées et les oppositions dissoutes dans un humanisme mou et consensuel. Si l’humanisme a encore un sens, c’est un humanisme critique, un humanisme qui ne craint pas le conflit des idées. Le conflit est consubstantiel aux sociétés démocratiques. Ce qui lui est étranger, en droit, c’est la violence. Or l’évitement du conflit conduit souvent à la violence.

Tisser du lien, c’est aussi prendre conscience de nos désaccords et apprendre à débattre. C’est pouvoir dire à l’autre qu’il a tort, sans l’humilier, sans lui imposer son point de vue. On objectera que le débat est inefficace, illusoire même, contre des fanatiques et des extrémistes. Mais l’absence de débat est pire encore et ne fait que renforcer tous les dogmatismes.

 

Pour une école qui responsabilise et qui donne à chacun, aux jeunes comme aux adultes, les conditions qui leur permettent de tisser du lien et d’augmenter ainsi leur puissance de penser et d’agir !

 

Bastien Sueur

Délégué général de la FESPI

25 novembre 2015