Article paru dans Libération du 24/06/2013 – Rubrique Rebonds
Suite à la parution du rapport de la Cour des comptes il y a quelques semaines, la FESPI a souhaité réagir en soulignant les convergences des propositions avec le type de professionnalité enseignante mise en œuvre dans les établissements innovants.
Au moment où la loi de la refondation vient d’être adoptée par le Parlement, très vite le débat s’oriente vers les conditions de sa mise en œuvre et donc inévitablement sur la gestion des enseignants. La refondation est condamnée à demeurer périphérique si la question du travail des enseignants n’est pas posée. La publication, la semaine dernière, du rapport de la Cour des comptes sur ce thème a le mérite de souligner les dysfonctionnements d’un système qui semble, à tout le moins, responsable à la fois de l’échec de très nombreux élèves – 120 à 150 000 décrocheurs chaque année- et du malaise visible chez les professeurs qui ont de plus en plus de mal à se positionner face à ce que le rapport considère comme « un défaut de cohérence entre les missions légales et le temps de service ».
Il existe déjà en France des établissements scolaires structurellement innovants qui, forts de leur expérience –certains fêtent aujourd’hui leurs 30 ans – affirment qu’un autre mode de fonctionnement est possible et participent à l’évolution démocratique de l’école. Dans ces écoles publiques, où enseignement et éducation sont réunis, l’équipe éducative est considérée comme le levier principal de la réussite des élèves et elle se donne les moyens d’agir. Cela passe avant tout par une répartition de service qui comprend un temps de concertation en équipe au cours duquel les projets s’élaborent. Ainsi, grâce à la réduction des heures de cours disciplinaires traditionnels, la réflexion collective avance tant sur les situations pédagogiques que sur l’accompagnement des élèves.
La FESPI , fédération qui regroupe ces établissements, propose donc – à coût constant- de réduire le temps d’enseignement disciplinaire à 16h et de réserver 4 heures pour les autres activités qui pourraient être définies par les équipes elles-mêmes en fonction du projet : concertation, tutorat, préparation de projets,…
L’élaboration d’un climat scolaire apaisé et d’objectifs scolaires ambitieux ne peuvent reposer sur la seule « bonne volonté » et le temps libre de certains enseignants. Il ne peut s’agir ni de bénévolat, ni de militance mais de conditions de travail. En tant qu’élément majeur de la réussite des élèves, ces temps collectifs sont indispensables. Il faut dépasser les contradictions frustrantes auxquelles font actuellement face les enseignants, qui sont en grande partie prêts à ce changement puisqu’il leur ouvre des perspectives professionnelles tout aussi épanouissantes que stimulantes.
Cette redéfinition de la professionnalité enseignante s’accompagne également, dans les établissements innovants, d’une plus grande autonomie des équipes, source d’implication pour ses membres. Ainsi que la Cour des comptes le suggère, certains d’entre eux endossent des fonctions de coordination pour lesquelles une décharge leur est accordée. Ce mode de gestion « entre pairs » a notamment l’avantage de renforcer le « faire équipe » et d’éviter certaines tensions. Ce principe du décloisonnement des activités éducatives doit également être favorisé par de nouvelles modalités de l’évaluation des professeurs, qui ne peut plus se limiter à l’observation d’une heure de cours, une fois tous les dix ans dans certaines disciplines. On retrouve d’ailleurs cette idée dans le rapport de l’inspection générale remis fin mai à Vincent Peillon, qui propose que l’évaluation des enseignants prenne en compte sa participation au travail en équipe, ainsi que dans le rapport de la Cour des comptes qui promeut le développement de l’évaluation collective.
Face aux défis que doit aujourd’hui relever l’institution scolaire, des alternatives existent déjà au sein même de l’école de la République. La FESPI invite donc les acteurs impliqués dans le vaste et difficile chantier de la refondation, à regarder du côté des établissements innovants pour imaginer le métier de professeur de demain.
— Audrey Maurin, Déléguée Générale de la FESPI ; Loan Simon-Hourlier, Présidente de la FESPI